Un discours a été prononcé par Alain Le Bot, directeur de recherche CNRS, Laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes (École centrale de Lyon) :

 

"Cette exposition fait suite à celle de l'an passée dont le sujet était les ondes et c'est donc tout naturellement que nous avons retenu cette année le thème de la Matière. La matière est un sujet à la fois facile et difficile. Facile parce que la matière nous entoure, elle nous est familière et si omni-présente qu'il peut être tentant de la confondre avec la réalité. Difficile parce que l'essence de la matière nous échappe et que ses comportements révèlent une infinie diversité qui émerge de la complexité de sa structure. Vous trouverez dans cette exposition une illustration des qualités nouvelles qui naissent de la compléxité. Citons l'émergentisme, courant épistémologique très en vue en physique moderne, qui repose sur le principe que le tout est plus que ses parties.

 

En sciences, les théories de la matière sont très anciennes à commencer par la théorie atomiste de Démocrite au Vième siècle av JC. On pourra citer aussi la théorie des quatre éléments : Terre - Air - Eau - Feu auxquels on associe quatre qualités Chaud/Froid Sec/Humide (Empedocle Vieme siecle av JC). Celle-ci se prolonge par l'alchimie qui durera jusqu'à la fin du XVIIIième siècle et dont la quête est la pierre philosophale qui pourrait transmuter les métaux, guérir les maladies et prolonger la vie humaine. Ceci peut bien sûr nous faire sourire aujourd'hui mais rappelons que le grand Newton lui-même fut un alchimiste. Puis se succède la chimie qui naît avec Lavoisier, les théories du continu (fluide, solide, gaz) et enfin la grande révolution quantique qui jusqu'à ce jour n'a eu de cesse de révolutionner notre conception de la matière jusqu'à lui contester la réalité de ses qualités et peut-être même de son existence. De nombreuses oeuvres de cette exposition illustrent les qualités de la matière forme, masse, couleur et tentent de cerner leur rapport avec la réalité.

 

La maîtrise de la matière fait partie de l'essence humaine. Depuis l'invention de l'outil (2,5 millions d'années) par homo habilis ou homo erectus, l'homme se distingue des autres espèces par sa capacité à maîtriser la matière qui l'entoure. L'homme est devenu un animal technologique. Moins connue que la révolution industrielle ou la révolution de l'information, nous vivons aujourd'hui la révolution des matériaux. Les matériaux naturels comme le cuir, bois, coton, pierre, métaux sont en net recul tandis que le nombre de matériaux synthétiques dépasse aujourd'hui et je ne saurais que trop vous recommander la leçon inaugurale au Collège de France d'Yves Brechet. La découverte des quasi-cristaux, les cristaux liquides, les nanomatériaux sont le prolongement de cette maîtrise sans cesse croissante sur la matière.

 

La matière peut être inerte mais aussi vivante. Si la matière est en perpétuelle évolution, évolution subit par la matière inerte, la matière vivante s'adapte (citer Entre-La(cs) de Flora Valentin). Bien sûr la tentation de maîtriser le vivant existe. Aujourd'hui, on est capable de synthétiser et transformer la matière vivante. On maîtrise l'association du vivant et de l'inerte. Rappelons que la découverte de l'ADN en 1953 par Crick et Watson (prix Nobel de médecine 1962). Ces techniques encore nouvelles laissent augurer une nouvelle révolution à venir : la révolution du vivant."